![]() |
SITE DE L'AFEB 69
|
![]() |
||||||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
ASSOCIATION FRANCAISE DES ENTRAINEURS DE BASKET-BALL DU RHONE |
||||||||||||||
Correspondants de Club
Manifestations
Photos
Liens
|
INTERVENTION DE DANIEL COSTANTINI
Il a fait décrocher le rêve de " devenir champion du monde "
Invité par l'Association Française des Entraîneurs de Basket du Rhône, Daniel Costantini, entraîneur de l'équipe de France de Handball de 1987 à 2001, tenait cette conférence dans l'amphithéâtre de l'UFR STAPS de Lyon rempli d'environ 250 personnes. Ce public était composé d'entraîneurs de Basket et de Hand ainsi que de professeurs et d'étudiants de l'UFR STAPS. Daniel Costantini a apporté les réponses d'un " coach " ayant non seulement retiré les fruits de l'expérience, mais ayant aussi fait un travail de théorisation sur sa longue aventure d'encadrement. La conférence débute par un rappel historique. Le Handball, après la deuxième guerre mondiale, est sous la tutelle de la fédération française de basket, avant de s'émanciper. Il est toujours resté une similitude d'approche, et des liens entre les entraîneurs nationaux des deux fédérations. (Avant Sydney, Daniel Costantini avait passé quelques journées de préparation, avec Jean-Pierre de Vincenzi et l'équipe de France de Basket).
DES " SYTEMES DE JEU " au " JEU PAR LECTURE " ou l'aventure du handball de 1987 à 2001
Avant 1987, la pratique du handball se caractérisait par un amateurisme souvent peu rigoureux et un faible nombre d'heures d'entraînement. " Peu s'entraîner laisse beaucoup de fraîcheur créatrice et de spontanéité dans la faculté à inventer des trucs "pensaient-ils. L'équipe de France se trouvait régulièrement dans les profondeurs des classements internationaux. Depuis 1987, Daniel Costantini a décidé de gérer les athlètes et les équipes de niveau international en modifiant les habitudes : - Augmenter la quantité d'entraînement : Multipliée par deux ou trois, elle est acceptée facilement par les joueurs, portés par l'espoir de voir une progression des résultats. Elle consiste principalement à augmenter les automatismes collectifs par la répétition. Ceux-ci entraînent une expertise plus grande, la gestion du fond de jeu sans coût au niveau de l'attention, ce qui libère les fonctions plus nobles pour les situations décisives. Cette étape répétitive ne pose pas de problème psychologique aux joueurs. L'équipe se sent progresser et est portée par son rêve ambitieux de monter dans la hiérarchie. - Augmenter la qualité du travail * Le travail individuel consiste en une formation traditionnelle, fondée sur les fondamentaux individuels, puis une complexification des situations et enfin une augmentation progressive de la vitesse d'exécution. * Le travail collectif installe des systèmes de défense et construit l'attaque adaptée à ceux-ci. Le jeu respecte les principes généraux d'attaque de zone et d'individuelle. Le coach est intransigeant avec les joueurs sur le respect de ces principes. - Modéliser la construction de l'équipe et approfondir la connaissance des personnalités des joueurs : L'équipe est construite selon un modèle résultant de la juxtaposition de joueurs " profilés par poste " prévus par l'entraîneur. Ce choix gêne l'expression de certains joueurs, en écarte certains de la sélection, jusqu'à ce que les événements viennent apporter une vision différente des possibilités du groupe. Daniel Costantini raconte alors l'anecdote des deux joueurs arrière gauche, Volle et Latoud, n'ayant pas le même profil. Le sélectionneur souhaitait en vain que Latoud soit le clone de Volle. A l'occasion d'un match amical, Denis Latoud fit preuve à ce poste d'une créativité efficace avec des moyens totalement différents de ceux de Frédéric Volle. L'équipe s'était trouvée une nouvelle arme et une nouvelle alternative de jeu.
- Un second progrès lié à l'importance du travail de préparation physique : Le premier mois est consacré uniquement aux joueurs : leur condition physique pour développer les facteurs d'exécution (endurance, puissance force, vitesse …) et s'occuper de leur corps (récupération). Les bénéfices vont au-delà des espérances du staff. Quatre à cinq semaines ont suffi à transformer les joueurs au niveau de la puissance, ce qui leur permet souvent de faire des différences individuelles. - Le progrès dû au passage réussi au jeu par lecture grâce aux qualités physiques : Lors d'un match amical de préparation, une incompréhension entre le capitaine et le coach provoque, dans la précipitation, une composition d'équipe inattendue. Dans l'équipe, il n'y a aucun arrière droit gaucher ! (c'était comme si une équipe de basket jouait un match international sans intérieur !). Daniel Costantini est désemparé puisque à ses yeux l'équipe voit son potentiel offensif disparaître. Une grande partie des systèmes d'attaque prévus ne pouvait avoir de conclusion favorable. C'est alors que les joueurs inventent une autre forme de jeu où ils s'imposent individuellement dans presque tous les duels, soit en concluant par des tirs, soit en effectuant des fixations libératrices de partenaires. Ils ont mis en place d'eux-mêmes le jeu par lecture. Le choix de la forme de jeu par modèle avait occulté, chez l'entraîneur, la perception plus fine de la personnalité et des capacités de certains joueurs. Au même poste, des joueurs peuvent apporter des choses différentes qui ne peuvent se découvrir qu'en essayant des configurations d'équipes différentes. Un nouveau style de jeu de l'équipe de France est né. Les matchs suivants confirment la tendance à l'alternance des formes de jeu et tout l'intérêt du jeu par lecture, beaucoup moins prévisible. Selon Daniel Costantini, le " jeu par lecture " exige des qualités physiques supérieures à celles exigées par un " jeu par systèmes ". Le jeu produit par les Français à Barcelone doit sa réussite à cette alternance des formes de jeu et à la qualité de son jeu de duel complété par un joueur d'impact. - Le Phénomène Jackson Richardson : Alors que traditionnellement le handball donne une priorité à la protection du but, Jackson Richardson, lui, défend pour voler le ballon et grâce à des qualités exceptionnelles, il y parvient ! C'est au coach d'utiliser au mieux cette capacité qui exige aussi des adaptations de la part des autres partenaires. Le coach doit alors montrer des qualités de " gestionnaire des ressources humaines " pour permettre l'expression de ces personnalités sur le terrain.
La gestion des ressources humaines de l'équipe : Durant le championnat du monde victorieux de 95, la tâche du coach est de trouver le bon amalgame de joueurs. Ceux-ci ne sont pas en aussi bonne forme qu'en 92 à cause d'une préparation plus courte. Les différences dans les duels sont plus difficiles à obtenir et le début du championnat est laborieux. Le côté rassurant des systèmes est encore utilisable à 75%, ce qui créent une première forme d'harmonie. Puis progressivement, la seconde phase est plus encourageante. Grâce à la répétition des matches, le jeu français repose sur un jeu en lecture, rendu possible par le retour de compétences individuelles plus performantes. Après le Titre Mondial : - Perte d'humilité : En sélection, il y a de la joie et de la fierté de se retrouver. L'équipe a atteint son rêve (qui peut être champion du monde, monter en division supérieure ou simplement être assuré du maintien …). Cela modifie les comportements, notamment la perte d'humilité qui favorise le travail en profondeur. Si le fond de professionnalisme existe toujours (présence à l'entraînement, écoute du coach, sérieux de récupération, respect des arbitres) les joueurs n'acceptent plus d'être mis en difficulté pour apprendre de nouvelles combinaisons. Pourtant les " Champions du monde " filmés et décortiqués, ne peuvent plus continuer à jouer comme avant ! - Nécessité de faire évoluer le jeu en redistribuant des rôles au sein du groupe. Les stars n'acceptent qu'à contre cœur les changements de rôles qui permettraient pourtant de faire face aux adaptations des défenses adverses. A l'entraînement, les joueurs essayent les propositions du coach mais ils se trouvent parfois " très empruntés " (malhabiles) dans les conclusions. " Pourquoi le coach veut me faire réaliser ce que je ne maîtrise pas ? On a été " champions du monde " en m'utilisant dans mes points forts ! ". Pour qu'un joueur accepte une telle remise en cause, il est nécessaire d'avoir du temps car il doit passer par trois phases, dont les deux premières sont terribles pour un joueur brillant : 1. Phase de déstabilisation : où le joueur doit comprendre ce qu'on va lui demander, se convaincre que les nouveaux apprentissages lui seront utiles. La plupart de ses " programmes moteurs " sont à revoir, il doit changer ses habitudes. 2. Phase de reconstruction : en repartant sur des exécutions lentes pour permettre la réalisation de nouveaux schèmes, de nouveaux tempos, d'autres appuis, pour retrouver de la puissance et des repères. 3. Phase de compétence : le joueur maîtrise son nouveau bagage, il est plus fort qu'avant, plus adaptable aux situations d'aujourd'hui. Daniel Costantini remarque qu'un tel programme ne peut se réaliser que sur plusieurs années et loin d'une forte couverture médiatique. La périodicité annuelle de grandes échéances ne le permet pas. Il n'a pu modifier le jeu de l'équipe qu'en introduisant peu à peu de nouveaux joueurs.
L'utilisation de la communication interne : 1. Est-ce que le coach a bien expliqué au joueur ce qu'il attendait de lui ? Dans cette relation, il y a beaucoup d'implicite et bien souvent des zones d'ombre. Aujourd'hui, il apparaît clairement à Daniel Costantini qu'une négociation entre l'entraîneur et le joueur est nécessaire sur les choix de jeu. 2. Le coach laisse une part de décision aux joueurs dans l'élaboration des schémas de jeu. Exemple du championnat du monde 2001 : Alors qu'aux JO de Sydney (2000), l'équipe avait une composition de rêve avec deux bons joueurs par poste, l'équipe de 2001 apparaît moins forte sur le papier. Elle n'a pu faire une préparation suffisante, ni collectivement, ni physiquement. Daniel Costantini décide de ne plus être l'unique centre de décision dans le choix des formes de jeu de l'équipe. * S'il s'accorde encore la part de décision qui concerne le fond de jeu, il charge les joueurs d'apporter leur créativité pour les combinaisons spéciales et autres innovations tactiques qu'ils auront à proposer au coach. * Une réunion précède la série de matchs de préparation. Les joueurs se verront poser 3 questions : - Qu'est-ce que tu attends personnellement de ce championnat du monde ? - Qu'est-ce que tu penses de ta place dans le dispositif avec 3 orientations proposées : Revendicatif, satisfait ou débordé (on m'en demande trop) - Quel engagement es-tu prêt à prendre devant tout le monde ? A la première question, par exemple, Jackson Richardson répond par un mélange d'égoïsme et d'altruisme qui montre un joueur particulièrement motivé et confiant (" je veux que ce soit " mon " mondial " - " Je suis prêt à me mettre au service de tout partenaire qui en aura besoin "). En somme le capitaine est bien choisi. * Une réunion spécifique aux joueurs précède les rencontres. Avant chaque match, 30mn avant de partir à la salle, les joueurs se réunissent, sans l'entraîneur (black-out sur ce qu'ils ont pu se dire). Ce dernier constate que durant le match, cela crée une dynamique qui stimule le groupe, et provoque une autorégulation des dérives de l'un ou de l'autre, avant même l'intervention de l'entraîneur. (le capitaine fut repris par les joueurs en cours de match pour manque de combativité !) * Après chaque match du championnat, un cérémonial de " débriefing " est instauré. C'est une réunion dans un lieu au confort permettant l'échange, pris sur le temps d'entraînement pour que chaque participant tire un bilan de la rencontre. Les participants ont à répondre à une seule question : - Qu'est-ce qu'on a vécu ensemble au cours du match et qu'on ne doit jamais oublier ? Ceci pour que tous débattent sur ce qu'il y a eu d'essentiel pour construire un véritable référentiel général à l'équipe. Daniel Costantini insiste particulièrement sur l'intérêt de cette forme de communication interne, qu'il regrette de ne pas avoir mise en œuvre plus tôt dans ses sélections. Il précise que les habitudes de communication sont à donner très rapidement afin que la communication existe avant les problèmes. Instaurer la communication de groupe juste au moment où on a des problèmes la rend difficile. Il vaut mieux avoir pris l'habitude d'échanger auparavant, on peut alors percevoir les indices avant-coureurs d'une crise latente. En conclusion de son intervention de plus de 2 heures, étayée de nombreuses anecdotes, il précise qu'il y va de la survie de l'entraîneur de faire progresser les joueurs. Si les joueurs se sentent progresser individuellement, même si l'équipe perd, les échecs seront moins pénalisants. Les progrès des joueurs sont essentiels. La victoire, elle, peut être aléatoire et conjoncturelle. A partir des notes prises par Robert DUMAS.
|